Jeudi 5 novembre, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes a rendu public son Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe. L’ANEF y est représentée par Geneviève Pezeu.

Fruit d’un travail avec des linguistes, des professionel.le.s de la communication et des chercheur.e.s, ce Guide est pensé comme un outil pédagogique et concret pour que l’argent public investi dans la communication contribue à la lutte contre les stéréotypes, au lieu de les laisser perdurer, voire les entretenir.

En effet, si conformément aux engagements internationaux et européens de la France, l’égalité entre les femmes et les hommes est aujourd’hui promue à tous les niveaux, il n’en reste pas moins qu’en 2015, la communication publique est encore largement vectrice de stéréotypes de sexe :

  • dans le langage: en usant du masculin dit « neutre » et « universel » dans les textes adressés à la population mais aussi dans les noms de fonction, ce qui contribue à invisibiliser les femmes ;
  • dans les images: en enfermant dans  les femmes et les hommes dans des représentations stéréotypées : couleurs douces ou rose pour les femmes/sombres ou bleu pour les hommes, positions lascives ou maternantes des femmes/ambition et domination pour les hommes ;
  • à la tribune et au micro avec une présence déséquilibrée des femmes et des hommes.

    Au travers d’exemples illustrés, ce Guide pratique propose 10 recommandations pour une communication libérée des stéréotypes de sexe. Lors de cet événement qui a attiré plus de 200 personnes, la Présidente Danielle Bousquet a encouragé les pouvoirs publics et la société civile “à se saisir de ce Guide et à en être les relais pour amplifier la dynamique pour une communication égalitaire”.

Télécharger le guide (36 p.): Guide pratique pour une communication publique sans stéréotypes de sexe_HCEfh_2015


Compte rendu de la présentation

Un guide pratique, très concis de seulement 35 pages qui ne se veut pas un prêt à penser mais un outils d’aide à la lutte des stéréotypes avec deux leviers d’action : les images et les mots.

Pourquoi les images ? car ce qui n’est pas vu n’existe pas. Pourquoi les mots ? parce qu’ils ont un sens, ils véhiculent des idées et des images

Après 30 ans de textes il est temps de donner des moyens pour que ce qui doit se voir et ce qui doit s’entendre soit vu et entendu.

Ce guide permet d’agir concrètement afin de faire évoluer les usages et faire reculer les stéréotypes avec 10 recommandations :

  1. Éliminer toutes expressions sexistes : « mademoiselle, chef de famille, … »
  2. Accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions selon les personnes qui les occupent = Nommer au féminin lorsque la personne est une femme

  3. User du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et à toutes : ne pas transformer la langue mais reprendre des usages existants
  4. Utiliser l’ordre alphabétique lors d’une énumération
  5. Présenter intégralement l’identité des femmes et des hommes : nom + prénom + fonctions. Trop souvent les femmes ne sont présentées qu’avec un prénom et souvent la fonction
  6. Ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie personnelle. Notamment vie de famille
  7. Parler « des » femmes plutôt que « de » ou de « la » femme et de « droits humains » plutôt que de « droits de l’homme »
  8. Diversifier les représentations des femmes et des hommes (dans toutes les expertises et pas seulement éducation, santé…)
  9. Veiller à équilibrer le nombre de femmes et d’hommes dans toutes les représentations
    1. images et vidéos
    2. sujet de com
    3. tribunes d’événements
    4. noms des rues,des équipements, des salles….
  10. Former les professionnel.le.s et diffuser le guide.

Des invité.e.s ont formé peu à peu une table ronde qui s’enrichissait au fur et à mesure, prenant en compte d’abord les mots puis les images et enfin celles qui parlent et qui représentent le savoirs, celles que l’on nomme les expertes dans les médias.

TABLE RONDE n° 1 : « LE POIDS DES MOTS »

  • Éliane VIENNOT : professeure de littérature française de la Renaissance à l’université de Saint-Étienne
  • Valérie LOIRAT : cheffe de projet à l’association française du Conseil des communes et Régions d’Europe (AFCCRE).

En France les règles de grammaire sont sexistes et même masculinistes, Éliane Viennot affirme qu’il faut les voir comme un ensemble de règles politiques, volontairement institué au XVIIème siècle.

Valérie Loirat présente la charte européenne qui est aussi un outil de 30 articles avec un plan d’action pour la promotion de l’égalité entre femmes et hommes destinée à l’ensemble des collectivités territoriales. Parmi les bons exemples de collectivités qui auraient cherché à proposer une communication par les mots non sexiste, elle évoque la Région Midi-Pyrénées qui a élaboré une charte interne (check liste pour faciliter la vérification des indispensables à la communication non sexiste). C’est un long travail entre les services de communication et la chargée de mission pour l’égalité. Il est souligné la nécessité d’une vigilance permanente des institutions qui se doivent de poursuivre les actions et suivre les engagements impulsés par les différents événements annuels (28 novembre, 8 mars).

Il faudrait aussi que systématiquement soient mobilisées des interventions possibles dans les médiathèques pour rendre davantage les femmes visibles (autrices, éditions etc.). C’est un travail à faire et à généraliser.

TABLE RONDE n° 2 : « LE CHOCS DES PHOTOS »

  • Brigitte GRESY : secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, auteure du rapport sur l’image des femmes dans les médias.

Les visuels institutionnels (publicités) n’ont pas d’enjeux commerciaux mais doivent faire passer des messages pour faire adhérer une partie de la population. Cette communication utilise donc les mêmes ressorts que la publicité commerciale.

Sublimation, rêves, imaginaire sont convoqués pour attirer l’attention du public visé, ce qui mène également à utiliser des stéréotypes qui font que chacun.e peut alors se reconnaître dans le groupe représenté.

Il y a des dérives telles que  :

  1. l’instrumentalisation du corps des femmes : hyper-sexualisation – (pub des clubs de sport ; de certaines régions) ; représentation des corps normés (modèle d’affiches de campagne)
  2. l’invisibilité des femmes
  3. les stéréotypes du rôles de chacun.e dans la société (voir pub de l’Éducation Nationale de 2011 ; carnet de santé avec 2 enfants une fille et un garçons hyper stéréotypés).

L’humour au second degré peut également être très pervers comme par exemple une affiche publicitaire pour promouvoir le tennis féminin dans laquelle des balles de tennis sortent d’un tube de rouge à lèvre ; ou encore quelques publicités qui cherchaient à promouvoir les sciences usant de clichés hyper-sexualisés.

On doit être conscient.e du risque de tomber dans deux écueils :

  1. l’invisibilisation (femme passante, ombre chinoise, quantité bien inférieure dans tous les médias).
  2. l’exacerbation du sexe, avec une forme de dictature de la beauté unique, de la jeunesse et le paradoxe entre l’injonction à la « liberté d’être » et les brimades qui s’imposent sur le corps, le look, les postures afin d’être « féminines ».

Quelques remèdes et règles sont proposés pour construire des images non sexistes. Tout d’abord compter pour réaliser les écarts. Ensuite il fut innover et diversifier en faisant attention a différents éléments :

  • couleur des vêtements, des fonds d’ambiance
  • métiers (diversifier les propositions d’activité, où on ne les attend pas)
  • attitudes regards
  • place des personnages sur l’image (pas de domination)
  • les environnements
  • interaction entre les gens en coopération (pas de soumission ou dépendance ni de sexualité, ni de vulnérabilité) :

TABLE RONDE n° 3 : « Les EXPERTES AU MICRO»

  • Lisa PLEINTEL :, cheffe de projet chez Egalis, présentation du site Les expertes.U
  • Laurent GUIMIER : directeur de France Info

L’illusion de l’égalité

L’argument d’expertes « moins bonnes » que les hommes est récurent mais des hommes moins bons ne vont pas embarquer « tous » les hommes dans le fait d’incompétences généralisée.

Le site LES EXPERTES a de bons retours de grands journalistes mais le site est encore trop jeune (5mois d’existence) pour évaluer son efficacité. Des sondages en interne à France télévision sont envisagés pour savoir si le site est utilisé. Actuellement plus de 400 journalistes sont inscrit.e.s et plus de 1500 expertes répertoriées (4 nouvelles expertes sont présentées chaque semaine ).

Mais la formation en amont des journalistes reste indispensable pour SENSIBILISER tous et toutes les communicant.e.s à l’importance du rôle et du poids des stéréotypes dans les médias.

Le renouvellement, l’ouverture vers un casting équilibré des expert.e.s est important pour un réel engagement. Il y a des freins ou résistances tels que :

  • repérer ce qu’on attend d’un.e expert.e.s
  • la fidélisation des chaînes et des journaux vis à vis de leurs expert.e.s associé.e.s qui ont la confiance des auditeur/auditrices et des journalistes. Ces habitudes ne se transforment pas en un jour et le renouvellement est lent car tout changement devient perturbant.
  • dans l’urgence et sur des sujets précis qui demandent de trouver rapidement des expert.e.s c’est la logique des réseaux qui se met en œuvre.

Le site Les expertes est donc un moyen d’ouverture qui va rendre service aux chaines. Cependant le processus est assez lent pour effectuer un renouvellement des « carnets d’adresse ».

Pour achever la matinée Danielle Bousquet accueille, après un petit discours, les signataires de la Convention d’engagement pour une Communication publique sans stéréotypes de sexe. Ils/elles vont s’engager pour reconnaître, prévenir et rechercher les stéréotypes de sexes dans les politiques publiques, pour adopter et diffuser le guide pratique auprès de leurs personnels mais également auprès des prestataires extérieurs afin qu’ils prennent en compte les conseils donnés par le guide dans toutes les publications.

Parmi les cinq signataires quatre personnes représentent des institutions éducatives (CNAM ; ONISEP, UNIVERSCIENCES, et l’Université Paris-Ouest-Nanterre la Défense) avec une seule femme Elisabeth Gros pour l’ ONISEP. La clôture des signatures se déroule sous l’égide de Pascale Boistard, Secrétaire d’État chargée des Droits des femmes.

Télécharger le compte rendu (4 p.): 2015_HCEfh_Stéréotypes Un guide pratique_CR GenevièveP