L’ANEF a signé, avec d’autres associations, une lettre adressée au Président de la République François Hollande, au Premier ministre Manuel Valls, à la Garde des Sceaux, ministre de la Justice Christiane Taubira, à la ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Najat Vallaud-Belkacem, et au ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social François Rebsamen pour solliciter une rencontre au sujet du déni de justice qui frappe les femmes victimes de violences, notamment au travail, dans notre pays.

Depuis des semaines, des mois, des années, nombre d’associations féministes tirent la sonnette d’alarme et vous interpellent sur le déni de justice qui frappe les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans notre pays. En vain.

La situation est à ce point dégradée que la seule association en France spécialisée dans l’accompagnement juridique des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles au travail (AVFT- Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) a annoncé le 25 mars n’être plus en mesure d’assurer son accueil téléphonique ni d’ouvrir de nouveaux dossiers pendant trois semaines. Depuis x jours, l’AVFT explique cette situation aux nouvelles femmes victimes qui la saisissent. Beaucoup se disent « désespérées », d’autant plus que l’AVFT représentait leur dernier recours après un parcours judiciaire chaotique et éprouvant.

L’AVFT accompagne parfois également des victimes de violences sexuelles qui ne se sont pas déroulées sur le lieu de travail car ces femmes ne peuvent faire face seules aux scandaleuses carences de l’État et de la Justice en matière de réparation des violences sexuelles au travail comme dans la famille. Les associations n’ont pas vocation à se substituer aux pouvoirs publics et aux tribunaux et la solution n’est pas uniquement à rechercher du côté de l’accroissement des subventions aux associations de terrain. En effet, si les violences sexistes et sexuelles ne sont pas dénoncées et combattues à leurs origines et si les auteurs continuent de bénéficier de l’impunité que nous constatons, rien ne changera.
Nombre d’associations, à l’instar de l’AVFT, sont submergées par les appels à l’aide de victimes qui ne savent plus vers qui se tourner pour obtenir réparation. Quand leurs plaintes ne sont pas purement et simplement classées sans suite, c’est un parcours semé d’embûches qui les attend. Nous ne pouvons tolérer cet état de fait, proprement indigne d’un pays qui se targue d’être la Patrie des droits de l’Homme. Ne serait-elle en réalité que celle des droits des hommes et non également celle des droits des femmes ?

Chacune, chacun, vous avez la responsabilité et le devoir de mettre en place des mesures concrètes et dissuasives afin d’enrayer les violences faites aux femmes.

Dans cet esprit, il est nécessaire que les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention et de protection des victimes de violence sexistes et sexuelles au travail soient condamnés à rembourser les organismes sociaux comme c’est le cas pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse. Autrement dit, le Code du travail doit être modifié afin de permettre aux femmes victimes d’être mieux indemnisées, ce qui doit inciter en retour les entreprises à prévenir les violences sexistes et sexuelles en leur sein. Il y a pareillement urgence à donner à l’inspection du travail les moyens d’effectuer des enquêtes.
Les dysfonctionnements de la justice pénale condamnent des centaines de milliers de femmes à une double peine : subir des violences sexistes et sexuelles, au travail ou hors travail, et ne jamais obtenir la condamnation de leurs agresseurs.

Aujourd’hui, nous demandons à vous rencontrer pour connaître les actions que vous allez entreprendre afin de faire reculer le nombre d’agresseurs qui demeurent impunis et le nombre des victimes à qui justice n’est pas faite – avant d’éradiquer à terme les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes dans notre pays. Cet horizon n’est pas inatteignable, nous en sommes convaincu-e-s et avons espoir que vous partagez notre conviction.

Nous nous tenons à votre disposition pour organiser une ou des rencontres avec des membres de vos services. Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Monsieur les Ministres, l’expression de nos salutations respectueuses.

Signataires au 13 avril 2014 (par ordre alphabétique) :
Association nationale des études féministes  (ANEF)
Collectif féministe contre le viol (CFCV)
Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF)
Élu/es contre les violences faites aux femmes (ECVF)
Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)
FIT une femme un toit
Libres MarianneS
Ligue du droit international des femmes (LDIF)
Monde à Travers un Regard (MTR)
Mouvement Jeunes femmes
Osez le féminisme !
Réseau Féministe « Ruptures »
Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées (RAJFIRE)
Réussir l’égalité femmes-hommes
SOS Sexisme

Télécharger la lettre (2 p.): LettreViolences_avril2014