L’ANEF et les représentantes de trois associations féministes (Les chiennes de garde, Féminisme et géopolitique, Osez le féminisme), démissionnent de la CLEF (Coordination française pour le lobby européen des femmes). Une lettre adressée à la présidente de la CLEF explique cette décision en lien avec l’adhésion de l’AFD (Alliance des femmes pour la démocratie).

Lors de l’AG de 2016, nous avons été plusieurs à soulever le problème posé par l’adhésion de l’AFD à la CLEF. Plus que l’adhésion de cette association, il s’agissait du fait que celle-ci brandissait des drapeaux MLF lors de manifestations, réactualisant ainsi le coup de force de 1979, lorsque trois femmes avaient « déposé » à la préfecture de police une association du nom de MLF Mouvement de libération des femmes, s’appropriant ainsi la lutte de toutes les femmes. Déposant ensuite ce nom de MLF comme une marque commerciale à l’Institut de la propriété industrielle et commerciale.

Ce point, n’ayant pas été mis à l’Ordre du jour, n’a pas été discuté ; mais au cours de l’année une délégation du CA a rencontré d’abord notre groupe (Julie Muret d’OLF, Martine Storti de Féminisme et géopolitique, Françoise Picq de l’ANEF), puis récemment l’AFD.

Cette délégation de la CLEF a finalement décidé d’admettre l’AFD à la CLEF, considérant qu’il s’agissait d’une ancienne querelle et que l’AFD satisfaisait aux critères d’adhésion à la CLEF.

Il nous est dès lors impossible de continuer à être membre de cette coordination. Nous ne pouvons admettre que vingt-cinq ans plus tard quitus soit donné à cette « imposture1 », balayant d’un revers de main l’histoire du féminisme des années 1970. D’autant qu’il apparait clairement qu’il s’agit là d’une offensive par laquelle certaines prétendent aujourd’hui recueillir un héritage illégitime.

C’était une imposture en 1979 de s’approprier un mouvement qui n’appartenait à personne. C’était une mauvaise action en 1981 que d’attaquer devant le tribunal de Commerce pour « concurrence déloyale » une maison d’édition féministe qui avait signé, avec 10 autres maisons d’éditions de quatre continents, une dénonciation de ce coup de force. C’était une nouvelle imposture en 1990 que de forger, sans doute pour légitimer la captation, la légende de la « fondation du MLF » en 1968 par Antoinette Fouque (avec Josiane Chanel et Monique Wittig qui s’est élevée contre cette assertion2) ; légende renouvelée en 2008, avec le prétendu 40° anniversaire. Dénonçant cette conception créationniste et négatrice de l’histoire d’un mouvement social, un collectif de féministes avait alors réuni les éléments d’un dossier « MLF Le mythe des origines3 », où 69 femmes du MLF (non-déposé ni co-fondé) avaient alors signé un texte « L’héritage féministe détourné ».

Aujourd’hui, après le décès de la plupart des protagonistes, certaines revendiquent l’héritage du larcin et demandent à la CLEF de les cautionner.

Nous ne pouvons bien sûr pas couvrir cette mystification, et nous appelons les associations membres de la CLEF à en prendre conscience et à refuser que la CLEF y apporte son concours.

Marie-Noëlle Bas pour Les Chiennes de garde
Françoise Picq pour l’ANEF
Martine Storti pour Féminisme et géopolitique
Claire Serre Combes, présidente, Raphaëlle Rémy-Leleu, en charge des dossiers internationaux et Julie Muret représentantes à la CLEF, pour OLF

1 Mouvement pour les luttes féministes, Chroniques d’une imposture, du Mouvement de Libération des femmes à une marque commerciale, préface de Simone de Beauvoir.
2 Monique Wittig raconte, in ProChoix, n°46, « MLF le mythe des origines ».
3 Ce numéro 46 de ProChoix, est en ligne.

Télécharger la lettre (1 p.): Aux associations membres de la CLEF_3 mars 2017